N°44 - 🍴Cantine scolaire : à quelle sauce sont donc mangés nos enfants ?
Amour, gloire et nuggets.
👋 Salut Les petits résistants !
L’ambition de ce numéro : comprendre à quelle sauce sont mangés nos enfants à la cantine ! Un sujet passionnant et carrément Les petits résistants, à la croisée des luttes écologiques, sanitaires, sociales et alimentaires : la cantine scolaire cristallise à elle seule les grands enjeux de demain.
On en parle dans cette édition avec Marie-Pierre Membrives, à l’origine du projet “Cantines Rêvolution” qu’elle porte au sein de l’Association de l’Alimentation Durable et auteure du livre “Mission cantines scolaires - quand une maman professionnelle de l’alimentation s’engage”.
En guise d’amuse-bouche, je vous sers sur un plateau quelques chiffres1 :
50% des parents d’élèves se disent satisfaits de la cantine
seuls 26% des enfants finissent leur assiette et ils sont 68% à s’être déjà rabattus sur le pain !
Ça vous parle ?
📆 Avant d’attaquer, rappel agenda !
La prochaine conférence organisée en partenariat avec l’association de parents d’élèves l’E-mp se tiendra mardi prochain, le 12 mai, à 20h30 sur le thème : “agir concrètement contre le harcèlement scolaire”. Inscription obligatoire sur le site du média. N’hésitez pas à nous partager vos questions sur le sujet par retour de mail afin que l’on puisse y répondre lors de la conférence.
🧡 Place au nouveau numéro. Bonne lecture à toutes et à tous !
Au sommaire
En tête à tête avec Marie-Pierre Membrives, rêvolution à la cantine
Le plan d’action : pour un bon coup de fourchette à la cantine !
Le vrac d’actu
🧡 En tête-à-tête
Entretien avec une personnalité qui fait bouger le monde. De quoi semer les graines de l’engagement et cultiver l’optimisme.
Dans ce numéro, je rencontre Marie-Pierre Membrives. Ingénieure en agroalimentaire de formation, elle est tombée dans la marmite de la cantine scolaire il y a quelques années. Elle compile dans un livre à destination des parents tous les ingrédients et ustensiles dont il faut s’emparer pour mener le combat du “mieux manger” à l’école. Lucky you, on vous en dévoile quelques morceaux dans ce numéro !
“Non, n’est pas une réponse !” Voilà qui en dit long sur la capacité de résilience et la ténacité de Marie-Pierre Membrives. Et tant mieux, car il vaut mieux partir bardée de qualités quand on entend secouer le prunier de la cantine scolaire.
Transparence : le B.A.BA ?
À l’entrée à l’école de son fils, d’abord rassurée par les menus colorés et les logos Label Rouge et AB affichés devant l’école, puis inquiétée par des parents déplorant que leurs enfants ne mangent rien à la cantine, Marie-Pierre décide d’intégrer la commission menus de sa commune. Elle découvre ce qu’est une cantine centrale, ce que sont les repas servis en liaison chaude (préparés le jour même), ceux servis en liaison froide (préparés et conditionnés en barquette en cuisine centrale et pouvant être servis jusqu’à 4 jours après leur confection). Elle réalise que ce n’est pas si simple de savoir vraiment ce que mangent nos enfants en produits ultra-transformés, les fiches techniques des produits présents sur les menus (entre autres nuggets, cordons bleus, saucisses, poissons panés et biscuits) étant classés quasi secret-défense.
“Quand on n’a rien à cacher, autant être transparent. C’est la base de la confiance !”
La cantine scolaire : le gros gâchis ?
Elle apprend aussi que ce qui pourrait être mis en place facilement fait face à des levées de boucliers insensées. Par exemple ? Servir les fruits coupés ! “Il a fallu 7 années de négociation avec ma commune pour les convaincre. Pour cela, je me suis fait prêter un coupe-fruits professionnel et j’ai fait une démonstration en live lors d’une commission menu !” Si important que cela, les fruits coupés ? “On sait que les enfants sont plus enclins à manger des fruits lorsqu’ils sont présentés coupés plutôt qu’entier. C’est plus pratique pour les petites dents des maternelles, les dents qui bougent des élémentaires ou celles équipées d’appareils dentaires des collégiens. Entre les fruits à moitié mangés ou ceux directement jetés à la poubelle, le gâchis est immense alors qu’on sait l’importance de la consommation de fruits et légumes pour la santé des enfants, notamment ceux issus des familles les plus précaires où ils sont sous-consommés.”
Alors en France, la cantine scolaire est-elle à jeter à la poubelle ?
Marie-Pierre Membrives livre un discours nuancé et optimiste quant aux nombreuses initiatives vertueuses émergeant aux quatre coins de la France qui montrent que l’on peut bouger les choses dans toutes les configurations, (très) petites ou (très) grandes villes, et de pleins de manières différentes : “dans l'inconscient collectif on se dit qu'avoir un cuisinier sur place c'est forcément mieux qu’une cuisine centrale qui livre des repas réchauffés et servis 4 jours après aux enfants ! Mais il ne faut pas tomber dans la caricature et surtout, il y a des solutions hybrides. Par exemple, on peut parfaitement avoir une cuisine centrale et améliorer la qualité : soit parce qu’on décide de passer en liaison chaude (plats consommés le jour même), soit par exemple en choisissant de laisser de côté des produits qui, on le sait, seront forcément de mauvaise qualité une fois réchauffés (poisson ou produits croustillants par exemple).”
Éducation à l’alimentation : la cerise sur le gâteau ?
Santé, climat, soutien à la filière alimentaire, le rôle de la cantine scolaire est fondamental à bien des égards.
“Il faut mettre l'éducation à l’alimentation au cœur des politiques publiques avec, à l’école, un socle de connaissance de base pour que les enfants puissent d’une part être les ambassadeurs du bien-manger dans leur famille et d’autre part devenir des futurs consommateurs éveillés quant au lien entre alimentation, santé, climat etc.”
Mais est-ce possible d’envisager l’éducation alimentaire au programme de l’école ? Non seulement c’est envisageable, mais c’est prévu par la loi ! Depuis 2014, en théorie, “une information et une éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire, cohérentes avec les orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé (…) sont dispensées dans les écoles.” En pratique ? Pas grand-chose : les enseignants ne sont pas ou peu formés (et n’ont pas nécessairement le temps, les moyens pour mettre le sujet sur la table) et seules quelques poignées d’écoles ici et là font intervenir des associations spécialisées sur la question. Interrogeant les professeurs sur le sujet de l’éducation alimentaire, Marie-Pierre a souvent obtenu la même réponse : “l’éducation alimentaire oui, mille fois oui, mais il faut que la cantine scolaire soit au niveau. Sinon ça n’a aucun sens !”. Dont acte.
“Il faut investir dans l’alimentation aujourd’hui pour faire des économies sur les dépenses de santé demain.”
Ce manque de volonté publique fait bondir Marie-Pierre Membrives : “éduquer au bien manger et donner accès à une alimentation saine et durable, c’est in fine des milliards d'économies en dépense de santé. Malheureusement les politiques actuelles sont très court-termistes. Nous ne sommes pas capables de nous projeter et nous dire que les enfants de maternelles d’aujourd’hui éduqués au bien-manger seront, demain, des adultes en bonne santé.”
Et si on mettait collectivement un coup de pied dans la fourmilière des cantines scolaires ? Et si on agitait les foules pour élever le niveau de l’alimentation pour nos enfants ?
✍️ Rencontrez Marie-Pierre Membrives lundi 12 mai à partir de 18h30 au restaurant Les Marmites Volantes (69, rue Armand Carrel 75019 Paris). Ça sera aussi l'occasion d'échanger avec Ariane Delmas, co-fondatrice des Marmites Volantes, entreprise engagée au quotidien pour des cantines vertueuses et savoureuses.
🚀 Le plan d’action
Nos bons conseils pour bouger le monde sur le sujet qui vous chauffe
Si le sujet de la cantine scolaire vous chauffe, on vous donne quelques clés pour comprendre l’essentiel et savoir comment vous mobiliser.
Se rapprocher des associations de parents d'élèves
Les 2 plus grandes fédérations de parents d’élèves du public, la PEEP et la FCPE (avec Anne Chauvet, spécialiste de la restauration scolaire au niveau national) et du privé avec l’APEL.
Marie-Pierre Membrives conseille : “Essayez d’identifier des personnes ressources au sein des parents d’élèves (parent cuisinier ou qui travaille dans l’agro-alimentaire par exemple ou encore professionnel de santé) car les sujets liés à l’alimentation sont complexes.”
Proposer de participer à des commissions menus s’il y en a ou… proposer d’en créer !
Les commissions menus ne sont pas obligatoires. Leur rôle est d’assurer que les repas proposés sont équilibrés, adaptés aux besoins des enfants et respectent les normes nutritionnelles et réglementaires.
En théorie, la collectivité ou le prestataire s’appuie le plus souvent sur les compétences d’un(e) diététicien(ne) ou nutritionniste. Pourtant… incroyable mais vrai, le recours à des professionnels de la nutrition pour l’élaboration des menus serait loin d’être systématique : 1/4 seulement des communes pour les cantines de leurs écoles.
Interroger les collectivités pour savoir qui prépare les repas et comment.
Il existe deux grands modèles : la préparation sur place et la préparation en cuisine centrale. Il existe également des solutions intermédiaires hybrides.
La production en cuisine centrale peut se faire en liaison froide (les repas sont préparés, conditionnés, refroidis rapidement en dessous de 3°C et peuvent être consommés entre 2 à 5 jours après leur production) ou en liaison chaude ( les repas sont élaborés tôt le matin, conditionnés à chaud et maintenus au-dessus de 63°C jusqu’à leur consommation le jour même après livraison auprès des écoles).
Si c’est une cuisine centrale, demander à la visiter. Si la cuisine est sur place, demander à rencontrer le ou la chef(fe). “L’important, c’est de créer du lien !” nous confie Marie-Pierre.
Essayer d’obtenir les fiches techniques des plats servis à la cantine.
Les fiches techniques sont les documents qui décrivent les produits (dénomination, composition, valeurs nutritionnelles, origine des matières premières) et que le fournisseur est tenu de mettre à disposition de ses clients de la restauration. Certaines collectivités sont transparentes… d’autres non, ce qui, en général, n’augure rien de bon !
“Certaines catégories de produits sont particulièrement touchées par le risque de cacher des produits abominables : saucisses en tous genres, charcuterie, boulettes, nuggets, pâtisserie et le cordon bleu” alerte Marie-Pierre Membrives.
S’il y a des réticences, parlez donc à vos interlocuteurs de l’application QuiDitMiam qui donne accès à toutes les informations concernant les repas servis aux enfants. La ville de Toulouse le fait. Pourquoi pas la vôtre ?
Demander à déjeuner dans la cantine de votre enfant
Et qui sait ? Vous pourriez même avoir une bonne surprise sur la qualité des plats servis ! Parfois les enfants râlent mais ce n’est peut-être pas si terrible. Rêvons ;)
📖 Ces informations sont issues du livre “Mission cantines scolaires” (édition Michalon) écrit par Marie-Pierre Membrives, que l’on vous recommande donc chaudement si vous souhaitez aller plus loin sur le sujet.
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🗞️ Le vrac d’actu
Un condensé d’infos engagées à consommer sans modération.
👉 British couvre-feu numérique. Écran : au Royaume-uni, le gouvernement envisage de rendre inaccessible les réseaux sociaux aux adolescents après 22h. Le ministre britannique du numérique a déjà obligé les géants du net à conduire des vérifications poussées de l'âge des utilisateurs.
👉 “Pas d’écrans avant 6 ans”. Écran encore : la Société française de pédiatrie et d’autres sociétés savantes lancent un appel à la prévention des risques dus à l’exposition des enfants aux écrans, qui ne sont « pas adaptés à un cerveau en développement ». Pour rappel, le carnet de santé préconise de ne pas exposer les enfants aux écrans avant 3 ans. Mais, selon les auteurs, ces consignes « sont clairement insuffisantes et doivent être actualisées à la lumière des connaissances récentes ».
👉 Nutri-score numérique. Écran toujours : Entre YouTube, TikTok et les contenus éducatifs, les parents ont du mal à discerner le positif du néfaste sur Internet. Dans une tribune parue dans le média Les Échos, un collectif d'experts propose la création d'un Nutri-score du numérique pour permettre aux parents de mieux choisir, aux enfants de mieux comprendre, et à l'industrie de mieux concevoir.
👉 Vu sur les réseaux. Maud Sarda, directrice générale du label Emmaus, s’offusque dans un post Linkedin que la prof de danse de sa fille conseille Shein et Temu pour les costumes du spectacle de fin d’année : “Pour un usage unique, 5 min sur scène, veut-on vraiment nourrir encore un peu plus la bête de la fast fashion, elle qui dévore chaque jour un peu plus la planète que l’on laisse à nos enfants? Accepterait-on pour nos enfants les conditions de travail qu’elle impose à l’autre bout du monde?” En commentaire, des parents qui relatent les mêmes histoires de consommation du n’importe quoi, de fin d’année scolaire. Ça se passe comment chez vous les kermesses de fin d’année et les petits cadeaux (en plastique achetés pas du tout cher) à tout va pour les enfants ? Et si on militait pour la seconde main à foison dans les réunions de parents d’élèves cette année ?
👉 La grimpette de trop. Voilà autre chose… L’air des salles d’escalade contient autant de particules de caoutchouc que les bords des autoroutes. C’est ce que révèle une étude qui dénonce les matériaux utilisés pour fabriquer les chaussons, les mêmes que ceux des pneus. Les effets sur la santé sont encore méconnus mais la conclusion des chercheurs est sans appel : “Ce n’est pas un bon environnement pour les enfants.” Impeccable…
Suite au prochain numéro !
🚀 On se retrouve dans 15 jours et surtout surtout, si ce numéro vous a plu, partagez sans modération pour prêcher la bonne parole de l’école dehors ! Un like, ou un commentaire sont aussi toujours les bienvenus.
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Sondage IFOP pour l’Association de l’Alimentation Durable - mars 2024