N°40 - Les filles ont-elles vraiment droit de cité dans la cour de récré ?
Jeux de ballon, jeux de garçon ?
👋 Salut Les petits résistants !
A voté ! Dans le dernier numéro, vous vous êtes exprimés et plutôt que la cantoche, c’est la cour de récré qui l’a emporté. Hasard du calendrier, demain 8 mars, nous célébrons la journée internationale du droit des femmes et les valeurs d’égalité entre les femmes et les hommes, entre les filles et les garçons. Et nous sautons donc à deux pieds dans le thème en parlant cour de récréation. Si vous ne savez pas encore pourquoi, vous le saurez dans quelques secondes.
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🧡 Place au nouveau numéro. Bonne lecture à toutes et à tous !
Au sommaire
En tête à tête avec Édith Maruéjouls, question d’égalité dans la cour de récré
La note vocale à méditer : l’égalité, une histoire de chaussures à son pied ?
L’actu qu’il fallait pas louper : littérature jeunesse, gare aux clichés !
Le récap’ en vrac d’infos engagées à consommer sans modération
Notre sélection pour inspirer petits et grands sur l’égalité
🧡 En tête-à-tête
Entretien avec une personnalité qui fait bouger le monde. De quoi semer les graines de l’engagement et cultiver l’optimisme.
Dans ce numéro, je rencontre Édith Maruejouls, sociologue de formation et géographe, elle est devenue la référence sur la question de la relation fille-garçon dans la cour de récréation. Elle partage avec nous ses observations tirées de 10 années d’expérimentation. Spoiler : pas question de traîner pour mettre l’égalité au menu de l’éducation. De quoi nourrir vos discussions du week-end avec vos enfants !
“Les garçons ont voté Madame, et ils ne veulent pas que je joue au foot !”Ainsi va la démocratie dans la cour de récréation pour certaines filles qui manifesteraient leur envie de s’insérer dans un jeu qui est d’ordinaire chasse gardée des garçons. Quand bien même la négociation aurait abouti, aurait-on pu parler d’égalité ? “L’égalité et la mixité, ce n’est pas une fille 1 et 15 garçons !” rappelle la sociologue. Mais alors, de quoi parle-t-on exactement ?
L’égalité, une question politique et relationnelle
Pour Édith Maruéjouls, “il est important de rappeler que la question de l’égalité n’est pas philosophique, elle est éminemment politique puisqu’il s’agit de l’affirmation d’un droit.” D’accord. Mais après tout, les enfants ne sont-ils pas libres de faire ce qu’ils veulent ? “Non, car on ne peut pas être libres dans un cadre qui n’est pas égalitaire. La question de l'égalité fille-garçon est à la fois une question sociétale dans la manière dont les adultes considèrent cette relation et à la fois une question interindividuelle, dans la manière où des enfants vont se rencontrer… ou non.”
Aux adultes donc de se s’emparer de la question pour réinventer un cadre qui permette aux enfants d’interagir dans des cours de récréation sans rapport de pouvoir. C’est essentiel selon la géographe, car si rien n'est fait pour rééquilibrer les interactions entre les enfants jeunes, la séparation filles-garçons persiste à l’âge adulte, notamment dans la sphère professionnelle : “Nous, adultes, devons mettre en place un cadre émancipateur, un cadre dans lequel nous nous assurons que ceux qui ne veulent pas jouer ne jouent pas et ceux qui le veulent, le peuvent. Nous devons aussi donner des outils d’autorégulation aux enfants pour qu'ils arrivent à se débrouiller entre eux, sans adulte, en se protégeant, les uns les autres.”
L’égalité, au fond, est aussi une question relationnelle.
“La question des relations et de l’amitié fille-garçon ne se rattrape pas plus tard. Le couple amoureux notamment ne permet pas cela. Il est clair que la question de la séparation des corps sociaux et donc celle des corps physiques demeure dans la société en général, et bien entendu aussi au travail.” Et notre discussion de glisser sur le sujet des anniversaires : une petite fille de 5 ans qui organise sa fiesta d’anniversaire avec un petit crew d’invités 100% girly ou un grand garçon qui fait un escape game avec une bande de petits mecs, c’est normal docteur ? “Je pense qu’il faut questionner cela. Il ne faut pas être ok avec le fait qu’en CE2 il n’y ait plus d’anniversaire mixte. C’est important de débattre là-dessus avec son enfant, sans forcer, mais en discuter.”
La méthode pour construire un cadre égalitaire : comprendre, consentir et agir
Depuis plus de 10 ans, Édith Maruéjouls intervient dans les écoles pour repenser les cours de récréation concrètement.
La première étape est celle de l’immersion et l’ouverture de débats avec les élèves notamment sur les notions de stéréotypes : les garçons sont-ils plus forts que les filles ? Pensez-vous que les filles et les garçons sont à égalité dans la cour ? Est-ce important de se mélanger entre les filles et les garçons ? “Il est important que les enfants comprennent la notion d’égalité, de partage et de justice.”
Ensuite, il s’agit de descendre dans la cour, d’analyser la répartition des espaces, le rôle des adultes, les interactions entre les enfants et de voir où sont les conflits. “Il faut comprendre que le sujet de l'inégalité fille-garçon est le sujet de l'inégale valeur. Au fond, pour les garçons, les filles dans les espaces, cela dévalorise. Les filles doivent donc faire valeur, et pour cela, il faut les rendre visibles. Car elles sont soit à l'intérieur, soit sur les bords, et souvent sans adulte pour leur prêter attention, car ils sont là pour encadrer les jeux des garçons, les jeux de ballons. Donc si on met les filles dehors, on les amène au plus près des garçons. On observe ensuite ce que cela change en terme de changement sociétal.”
Et concrètement ? “On encourage les activités variées à l’extérieur (jeux de société, dessin, craie, mais aussi danse avec l’installation d’estrades dans la cour et parfois même de la musique). On repense aussi des espaces dynamiques que l’on présente comme un terrain de jeu collectif, pas forcément dédié au football et on incite les enfants à mettre en place des règles. Enfin, on crée des zones de discussion en mettant des tables et des chaises dans la cour de récréation. Car faire société, c’est aussi être capable de discuter.”
Vers une évolution des mentalités
Depuis qu’elle travaille sur ces questions, Édith Maruéjouls constate une prise de conscience croissante, bien que le contexte actuel puisse parfois freiner certaines avancées. Pour elle, il est essentiel que les adultes, enseignants, parents, urbanistes et décideurs prennent leurs responsabilités et agissent pour créer des espaces plus inclusifs.
Son message aux architectes et urbanistes est clair : « Ouvrez vos chakras ! ». Concevoir des espaces en pensant l'égalité filles-garçons ne signifie pas simplement éviter le rose et le bleu, mais imaginer des lieux où chaque enfant a une place à part entière et où la mixité est réelle et valorisée.
Un enjeu pour toute la société
L’école est un espace fondamental d’émancipation et d’apprentissage des relations humaines. Réfléchir à l’égalité filles-garçons, c’est questionner les valeurs que nous transmettons dès l’enfance. Créer des cours de récréation plus égalitaires, c’est offrir aux enfants les clés pour construire une société plus juste et respectueuse des différences. Allez, on s’y met ?
🧏🏻 La note vocale à méditer
📣 Chloé Célérien, autrice, journaliste et dessinatrice, travaille sur la question de l’égalité dans le sport et intervient auprès des collégiens et lycées pour éduquer par le sport et lutter contre le sexisme.
Elle partage avec nous une réflexion tirée de ces observations de terrain auprès de ses élèves. Pêle-mêle : les garçons qui courent pour se ruer dans la cour à la sonnerie, le terrain déjà occupé et, l’été, les sandales aux pieds des petites filles moins pratiques que de la basket pour jouer, courir et taper dans une balle non ? Filez écouter.
🤓 L’actu qu’il fallait pas louper
Décryptage de l’actu qui m’a le plus chauffée…
La littérature jeunesse continue de véhiculer des stéréotypes sexistes profondément ancrés. C’est le constat dressé par le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) qui a publié son rapport annuel 2024 sur l’état du sexisme en France. On fait le point !
Une segmentation genrée dès l’enfance
Dès le plus jeune âge, les livres pour enfants sont souvent divisés en collections distinctes pour filles et garçons. Les univers proposés sont marqués par des représentations genrées : les petits garçons sont associés à l’action et à l’exploration (pompiers, aventuriers, héros), tandis que les petites filles sont cantonnées à des rôles domestiques et affectifs.
Le HCE cite l’étude d’Adéla Turin de 1994, qui soulignait déjà cet cet androcentrisme dans la littérature pour enfant soit le mode de pensée qui consiste à envisager le monde uniquement ou en majeure partie du point de vue des hommes.
Conséquence ? Les garçons sont valorisés dans des rôles liés au pouvoir et à la connaissance, tandis que les filles sont reléguées à la sphère familiale. Soit… le terreau idéal pour une intériorisation des normes sexistes dès l’enfance. 🙈
Des rôles féminins effacés ou stéréotypés
Dans de nombreux albums illustrés, les personnages féminins sont passifs et secondaires, souvent représentés en train d’attendre ou d’observer. Les figures maternelles et ménagères dominent, comme en témoignent les livres de la collection Martine, où l’héroïne incarne systématiquement des rôles liés au soin et à la famille (Martine petite maman, Martine garde son petit frère).
La collection Monsieur Madame est aussi épinglée par le rapport : “À Monsieur les rôles majoritairement extérieurs, actifs, valorisants à Madame les rôles dégradants,
intérieurs et passifs, avec des rôles très caricaturaux – Madame Princesse, Madame Beauté, Madame Sage, Madame Petite, Madame Range-tout, et Monsieur Grand, Monsieur Aventure ou Monsieur Costaud. D’après des chercheurs de l’Université britannique de Lincoln, les personnages féminins de la collection ont besoin d’être secourus dans plus de la moitié des ouvrages.”

Même les animaux anthropomorphiques (animaux qui se comportent comme des humains), omniprésents dans la littérature pour tout-petits, perpétuent ces inégalités : les garçons sont associés à des figures puissantes (ours, lions, crocodiles), tandis que les filles sont représentées par des créatures plus discrètes et fragiles (souris, oiseaux).
Un sexisme marqué dans les ouvrages pour adolescents
Le constat n’est pas plus réjouissant dans la littérature destinée aux préadolescents et adolescents. Les comics et mangas continuent de reproduire des schémas sexistes : hypersexualisation des héroïnes, relégation des personnages féminins à des rôles secondaires ou subalternes, et banalisation des violences sexistes. Dans certains mangas populaires (One Piece, Naruto), des personnages masculins affichent des comportements problématiques, valorisant une masculinité toxique.
Rien ne va plus dans la littérature jeunesse ?
On a posé la question à Stéphanie Daniel, fondatrice de la librairie jeunesse Les livres qui sèment, dont le travail de promotion d’ouvrages aspirant à l’égalité entre tous les enfants, est salué dans le rapport du HCE : “Bien sûr il y a une évolution plutôt positive dans le secteur de l’édition jeunesse sur les sujets de représentation et des stéréotypes même s’il reste beaucoup à faire. La problématique de fond est l’aspect systémique de ces schémas sexistes qui finissent par faire figure de normalité pour les enfants s’ils ne sont exposés qu’à ce type de lectures. Bien sûr, il ne s’agit pas de jeter les livres incriminés. Mais il est important de faire ces mises en garde pour exercer un esprit critique en tant que parent et enfant sur les ouvrages problématiques.”
À noter que la collection (l’incontournable !) Mortelle Adèle ainsi que le travail de la maison d’édition Talents hauts sont aussi plébiscités par le HCE pour leur travail sur la question des représentations non sexistes dans la littérature jeunesse. Bravo à eux !
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🗞️ Le vrac d’actu
Un condensé d’infos engagées à consommer sans modération.
👉 Vous l’avez sûrement/évidemment vu passer : le Parlement a adopté une loi historique concernant les Pfas, ces polluants éternels qui nous empoisonnent la vie. Concrètement, la fabrication, l’importation et la vente de produits contenant ces polluants sont interdites à partir de 2026 dans les cosmétiques, les textiles d’habillement et les farts pour le ski. Yalla !
Seule ombre au tableau : les ustensiles de cuisine sont sortis du périmètre de la loi grâce à l’excellent travail des lobbyistes du Téflon, que l’on applaudit des deux mains. Mais notez bien que rien ni personne ne nous empêchera de jeter nos poêles en Téflon et leurs supers petits potes les polluants à la poubelle pour les remplacer par des poêles au revêtement safe (choisir de l'inox ou fonte par exemple).
Alors, si vous en avez qui traînent encore dans vos placards, mettez ça sur la to-do du mois : poêles TEFAL à la benne. Et faites passer le mot à vos copains et à votre famille au détour d’un dîner. Vous passerez peut-être pour un relou. Mais qu’importe ! Car nous, on le sait bien : vous êtes un ami qui leur veut du bien.
👉 Attention aux yeux. Selon une étude coréenne, 40 % des enfants et adolescents pourraient être myopes d’ici 2050. La faute à quoi ? La faute aux écrans.
1 heure d’écran par jour augmente ainsi le risque de myopie de 5 % par rapport à une absence d’exposition
4 heures l’augmentent de… 97 %. 🙈
Les armes de prévention ? Limiter les écrans donc et mettre les enfants dehors. Des études montrent que la lumière naturelle et les activités en plein air réduisent significativement le risque de myopie chez les jeunes.
👉 Rebelotte. Après une première condamnation historique en 2023 en région parisienne, l’État vient à nouveau d’être condamné à indemniser des familles de victimes de la pollution de l’air, dans la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie. Pour les juges, les pathologies respiratoires du fils de cette famille “ont été aggravées par la pollution, en particulier lors des pics de pollution”. Ils ont estimé que l’État a ainsi commis une “faute” du fait “de l’insuffisance des mesures adoptées”.
👉 Nutriscore, suite de la saga. La Commission européenne a finalement renoncé à rendre la notation obligatoire dans l’ensemble des 27 pays membres. La principale opposition au Nutri-Score est venue d’Italie, qui a jugé que le barême nuirait aux produits locaux fabriqués dans le pays. Une sombre histoire de notation d’huile d’olive, notamment… Pour rappel, en France, le Nutriscore est aussi critiqué par certains industriels (Danone par exemple) mécontents du nouveau système de notation qui a évolué depuis janvier 2024. N’étant pas obligatoire, certaines marques choisissent de retirer purement et simplement le barème des paquets. Bien dommage de se priver d’un outil pour parer à la malbouffe alors qu’une nouvelle étude alerte sur les chiffres affolants de l’obésité dans le monde : près d’1 jeune de moins de 25 ans sur 3 sera obèse en 2050…
🎁 C’est cadeau !
Parce que vous avez mieux à faire que des recherches Google, je sélectionne pour vous des ressources pour inspirer petits et grands sur le thème de l’égalité.
👉 À mettre dans les mains des filles de 7 à 12 ans : le magazine Tchika, le seul magazine d’empowerment des petites filles qui cassent les stéréotypes de genre.
👉 À mettre dans les oreilles et dans les mains : le podcast et livre Nouvelles Héroïnes édité par Larousse Jeunesse (créé et écrit par Céline Steyer - portrait à retrouver ici) qui aide toutes les filles à grandir en confiance à travers des histoires vraies et inspirantes de femmes d'aujourd'hui.
👉 Pour une sélection de livres aux petits oignons :
pour s’éduquer sur ces questions : le compte Instagram @petitelectureinclusive est une mine d’or d’information et le livre Où sont les albums jeunesse anti-sexiste écrit par Priscille Croce
pour acheter les yeux fermés :
> la librairie jeunesse Les livres qui sèment
> la collection Mortelle Adèle, les livres édités chez Talent Hauts, la collection Petite et grande. Notamment !




Suite au prochain numéro !
🚀 On se retrouve dans 15 jours et surtout surtout, si ce numéro vous a plu, partagez sans modération pour prêcher la bonne parole de l’école dehors ! Un like, ou un commentaire sont aussi toujours les bienvenus.
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Bonjour et merci pour ce numéro spécial éducation filles-garçons ! J'ai co-réalisé un documentaire intitulé "J'irai crier sur vos murs" dans lequel Edith Maruéjouls intervient, et je retrouve dans la courte interview la substance de son propos très juste !
Par ailleurs, je partage un épisode du podcast "Papas poules", conçu et animé par des pères (ce qui est encore rare dans l'univers de la parentalité !) dans lequel j'intervenais et qui concerne justement l'éducation féministe / anti-sexiste : https://podcast.ausha.co/papas-poules-2/17-sales-stereo-types
Bonne journée !
Charlotte Ricco